Depuis sa réintroduction en 2008 aux côtés du Bitcoin, la technologie de la blockchain a fortement évolué. Les années qui ont suivi ont vu apparaître diverses initiatives qui ont été appliquées au monde de l’art sous la forme des NFT, mais aussi au secteur de la finance sous la forme de la DeFi pour ne citer que ces exemples. Parmi les autres initiatives dignes d’intérêt, on retrouve un projet qui avait pour but de révolutionner le secteur de la gouvernance grâce à la technologie de la blockchain.
Aujourd’hui, les organisations autonomes décentralisées ou DAO sont encore étudiées par de nombreux projets à fort potentiel. Zoom sur ces contrats intelligents et sur ce qu’ils apportent au secteur des cryptos.
Pourquoi les DAO sont-elles nécessaires ?
De tout temps, le sujet de la légitimité de la gouvernance a toujours porté à débat. On s’est toujours demandé quelle était la meilleure forme de coordination ou de gouvernance qui comprenait le moins de failles pour les agents (gouvernant) et le principal (gouverné). Le constat est toutefois resté le même au fil des années. Quel que soit le mode de gestion en place, le dirigeant a tendance à faire des choix qui ne sont pas toujours détachés de sa personne.
Prenons un exemple plus terre à terre pour introduire le concept de la DAO.
Un groupe s’exile et s’installe sur une nouvelle terre. Naturellement, les objectifs de cette communauté seront axés autour de sa survie. Tout le monde devrait s’entraider, échanger, participer d’une façon ou d’une autre afin de remplir cet objectif. Certaines règles seront également établies pour veiller à la bonne cohabitation et au développement de la collectivité.
Qui dit règles implique une forme de gestion pour établir ces principes, prendre les décisions pour les membres de la communauté et veiller à ce qu’elles soient respectées. Un groupe d’agent devra ainsi décider pour le principal et de la gestion de l’agent dépendra l’atteinte des objectifs du groupe. Dans un tel schéma, de nombreuses variables peuvent conduire à un échec.
En mettant en place une organisation autonome et décentralisée dans un tel contexte, on s’assure que la compagnie fonctionne selon des préceptes de gouvernances immuables. Ces principes sont inscrits dans un livre, la blockchain, que tout le monde peut consulter, mais que personne ne peut modifier sans l’approbation du plus grand nombre. Pour qu’une décision soit appliquée, il faut au préalable qu’elle soit soumise au vote et que chaque membre du groupe ait voix au chapitre.
Dans le secteur des cryptos, les DAO sont nécessaires parce que la communauté cherche justement à échapper à l’emprise de l’agent, le cas échéant, les banques ou les politiques financières. Mais les DAO ne s’appliquent pas seulement au secteur de la finance. D’une certaine manière, tous les projets qui nécessitent une coordination équitable, où tous les membres ont voix au chapitre, peuvent profiter des avantages d’une DAO.
Quels sont les principes de fonctionnement d’une DAO ?
La DAO ne remplace pas la blockchain, elle l’utilise pour fonctionner de manière efficiente. La blockchain sert ainsi d’environnement d’exécution pour les smarts contracts que sont les DAO. Au sein de ces smarts contracts, on retrouve les principes qui régissent le fonctionnement de la DAO ainsi que les tokens de gouvernance qui permettront aux membres de voter l’évolution de ces règles pour mieux s’adapter aux demandes de la communauté.
Ainsi, pour mettre en place une organisation autonome décentralisée, il est important que les développeurs comprennent le problème de gouvernance que le projet essaie de résoudre afin de définir au mieux, les principes et les contraintes du projet au sein d’un smart contract. Le problème de gestion doit être étudié de manière extensive pour cerner toutes les utilisations possibles qui pourraient découler de la DAO et d’éliminer les failles potentielles.
Il faudra ensuite définir un token de gouvernance ainsi que son fonctionnement. La part de jetons requise pour voter et s’assurer que le plus de personnes ait voix au chapitre pendant le vote. Si la décentralisation ne peut être parfaite au début compte tenu du peu de membres au sein de la communauté, les développeurs s’assureront de conserver dans un premier temps les jetons de gouvernance sans altérer le projet. Au fur et à mesure que la communauté s’agrandit, viendra le moment de partager ces tokens de gouvernance pour permettre au groupe de faire évoluer la DAO vers ses besoins.
Une fois ces différentes étapes respectées, la DAO peut être mise sur le marché et la gestion de la gouvernance progressivement laissée à la communauté.
Comment démêler le vrai du faux sur les DAO ?
Dans le secteur des cryptos, il est encore aujourd’hui un peu difficile de comprendre les limites de l’application des DAO. Si on peut affirmer qu’une DAO s’appuie sur la technologie de la blockchain pour fonctionner, elle ne fonctionne pas comme un projet de cryptomonnaie qui aura aussi besoin d’une blockchain pour exécuter son protocole et fonctionner. Cependant, un projet crypto peut tout à fait s’appuyer sur une DAO qui elle-même va fonctionner sur une blockchain. Explications avec quelques exemples.
Le Bitcoin ne fonctionne pas sur une DAO
La crypto est exécutée sur une blockchain régie par un réseau peer to peer qui permet à ses membres de réaliser des transactions, de valider les opérations, de créer de nouveaux blocs et de les envoyer aux nœuds qui constituent le réseau. On pourrait ainsi résumer le protocole du Bitcoin à un ensemble de nœuds qui communiquent entre eux de manière totalement indépendante et décentralisée. Toutefois, ce protocole n’est pas assimilable au fonctionnement d’une organisation autonome décentralisée, parce qu’il n’y a pas de préceptes de gouvernance qui requièrent des votes ou l’intervention des utilisateurs pour décider du futur de la crypto.
Ethereum est le terrain de jeu parfait pour créer une DAO
Tout comme son prédécesseur, la crypto Ethereum ne fonctionne pas sur une DAO. Cependant, la blockchain sur laquelle fonctionne la crypto permet d’héberger les smart contracts. Ces contrats intelligents sont la base même requise pour mettre en place une DAO et ses règles. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la plupart des DAO sont hébergées sur le réseau de la crypto ETH et utilisent des jetons ou des tokens ETH ou reliées à ces pièces.
Maker DAO, l’exemple parfait d’une crypto DAO
Maker DAO est un protocole de finance décentralisée ou DeFi qui se focalise sur les prêts cryptos. Le projet est à ce jour l’exemple parfait de ce qu’on peut attendre d’une crypto fonctionnant sur une DAO. Hébergée sur la blockchain Ethereum, le projet Maker DAO a deux tokens ou jetons : le stablecoin DAI et le jeton de gouvernance, le MKR. Les jetons DAI permettent de réaliser des prêts sur le protocole avec d’autres cryptos, ETH mis en avant tandis que les tokens MKR permettent aux membres de la communauté de voter les grands changements à appliquer au service. De cette manière, le service s’assure de continuer à répondre à la demande du plus grand nombre.
AAVE, un projet Maker DAO mais en mieux
AAVE est un autre exemple de projet crypto qui fonctionne sur une DAO. Il est aujourd’hui considéré comme plus grand que le projet Maker DAO grâce à sa TVL de 15 milliards de dollars, mais aussi grâce aux nombreux services qu’il propose comme les flash loans, les prêts rapides ainsi que sa réduction des frais de gas liés aux transactions. Les jetons utilisés sur le réseau sont les AAVE et les tokens de gouvernance sont en LEND. Une bonne nouvelle pour les membres de la communauté AAVE, les LEND peuvent être déposés en garantie de prêt et tout de même servir au vote.
The DAO, le projet qui a permis de comprendre les avantages, mais aussi les limites de la DAO
Beaucoup de personnes assimilent les DAO au projet The DAO qui est la première organisation indépendante et décentralisée à être hébergée sur la blockchain Ethereum en 2016. Si le projet a réussi à réunir la somme colossale de 150 millions de dollars en ETH pour être mis en place, il a dû être avorté à cause de pirates qui se sont servis d’une faille dans le contrat intelligent du projet pour subtiliser le montant. Heureusement, les développeurs étaient vigilants, et une décision a rapidement été votée pour réaliser un hard fork de la crypto Ethereum afin de contrecarrer les plans des pirates. Cela a conduit au projet Ethereum ETH que nous connaissons tous aujourd’hui, le projet classique existant toujours avec son token, le ETC.
Il va sans dire que c’était un mauvais départ pour les DAO. Cependant, c’est de ce potentiel que sont partis de nombreux autres projets qui ont plus tard été proposés dans le secteur de la DeFi.
Les DAO n’ont-ils que des avantages pour les utilisateurs ?
Une organisation autonome décentralisée essaiera toujours de fonctionner sur un principe équitable en ce qui concerne l’intervention et les voix des membres de la communauté. Néanmoins, ce principe n’est pas toujours complètement vérifié, ce qui pousse certains utilisateurs à se dire qu’un projet DAO ne peut pas être entièrement décentralisé.
Il suffit de prendre le principe de l’économiste Vilfredo Pareto qui a mis en place la règle des 80/20. Quel que soit le mode de gestion mis en place dans une organisation indépendante et décentralisée, les 80% des résultats seront toujours obtenus grâce à l’action des 20% de la communauté. Aussi, pour être réellement efficaces, les DAO doivent s’assurer que tous les votes n’aient pas exactement la même valeur, chose faite en s’assurant que certaines personnes à la manière des chefs de projets aient un peu plus de jetons pour s’assurer de la bonne conduite des projets.
Toutefois, certaines règles peuvent également être mises en place pour empêcher ces chefs de projets de prendre des décisions inconsidérées qui pourraient mettre en péril l’avenir du projet à la manière d’un budget cap.
La participation de tous les membres d’un groupe autour d’une DAO peut par ailleurs être problématique s’il est impossible d’arriver à un consensus et qu’aucune issue n’a été définie par le smart contract de la DAO pour régler une situation. Auquel cas, les détenteurs de jetons de gouvernance seront obligés de se soumettre aux décisions d’une autorité légale compétente dans ce domaine.